On nous a bassiné avec la génération Y: génération chochotte (USA), génération poule mouillée (All), génération me me me (UK), génération d’agneaux (Japon… WTF ?). On a tout dit de nous, tout et souvent n’importe quoi. On a parfois oublié de prendre un peu de recul, de regarder ce phénomène générationnel sous un autre angle qu’à travers des lunettes de rédacteurs aigris de … ne plus être jeune?
On a oublié de voir combien cette jeunesse aux aspirations et comportements louches était surtout symptomatique d’un monde qui change. Génération quoi quoi quoi, mais surtout génération première fois: première génération mondiale, prochaine grande génération – 50% de la population mondiale a moins de 30 ans, première génération postmoderne, première génération issue de cette 3ème révolution anthropologique majeure de l’histoire de l’humanité qu’est le numérique. En bref, une génération massive et globalisée, qui arrive dans un monde à réinventer, avec un pouvoir fantastique entre ses mains. Voilà, c’est peut être ça, la génération Y. Un momentum, un contexte, une mission, un pouvoir.
Immergé dans l’entreprise, le sujet Y a des réactions bizarres, réactions qui ont fait couler beaucoup d’encre et occupé beaucoup d’espaces sur la toile. En effet, qu’est-ce donc que cette bande de « pourris gâtés que l’on a trop aimé », ces petits jeunes qui se vantent de faire leur « job-out » après 6 mois de CDI, les autres qui débranchent la prise une fois au chaud dans l’entreprise, parce qu’ils ont fait « le tour du sujet », parce que « la boite est trop rigide, trop inerte, trop processée », parce que « le management ne les fait pas rêver », parce que « tout ça n’a aucun sens, au final ». Sacrebleu, de quoi se plaignent-ils ? A leur âge on restait, on était loyaux, on était redevable, on était respectueux, on mesurait sa chance. Et oui… mais les temps ont changé. Le pourquoi prime désormais sur le comment, l’exemplarité sur le statutaire, la flexibilité sur le confort et l’ambition de s’épanouir sur celle de réussir. Cette jeune génération sait pertinemment que personne ne l’attend. Elle sait que l’entreprise ne pourra pas lui offrir ce qu’elle avait promis à ses parents : le confort psychologique et matériel de se projeter sur le long terme. Bébé de la précarité, elle sait qu’elle devra apprendre à rebondir plutôt qu’à approfondir. L’ambition professionnelle a changé. Plutôt qu’aller haut et vite j’irai à côté, je cumulerai les expériences de vie aussi différentes soient-elles, pourvu que je « kiffe » intensément, je construirai un chemin de ces boules multicolores et en ferai une histoire qui aura du sens : le mien. Je serai entrepreneur de ma vie professionnelle.
Voici pour les Y. A peine commence-t-on à les comprendre, à les regarder à travers des lunettes roses pour ce qu’ils sont vraiment: une génération symptomatique d’un changement de monde qui la dépasse bien largement ; que débarquent les Z. Oh My God, cela ne s’arrêtera donc jamais. Les Z, nés après 1995, sont ces énergumènes qui essaient de faire bouger les images des journaux papier avec leurs index. Ils représentent un espoir pour tous ces chefs d’entreprises aujourd’hui au bord de la crise de nerfs. « Vivement que les Z arrivent, qu’ils viennent terrasser les Y ». Que nenni. Cet article apporte une mauvaise nouvelle à tous ceux qui serrent les dents depuis 10 ans : le Z est une amplification du Y. Et ce, dans la vie comme dans l’entreprise. Nous avons conduit auprès de plus de 3.000 jeunes de moins de 20 ans une grande enquête. Pleine de surprises …
L’entreprise pour toi ? Elle est « dure », « cruelle », et c’est une « jungle ». Voilà pour l’héritage légué par une génération de parents quadra qui a entretenu avec son travail et avec l’entreprise une relation sacrificielle. Vivre pour les week- ends, les vacances, les RTT et la retraite, ça ne se dit pas, c’est politiquement incorrect mais c’est tout de même la réalité de millions de français. De quoi dégoûter une jeune génération qui, en plus, n’aura pas les mêmes opportunités que ses aînés. Dans ce sombre tableau, une lueur d’espoir : que veux tu faire plus tard ? Entrepreneur, pour plus de 50% d’entre eux. Quelle belle revalorisation de l’acte d’entreprendre. Mais ne nous leurrons pas, de la même façon que pour les Y, ces prétendants à l’entrepreneuriat ne feront pas tous le grand pas. Alors ça veut dire quoi, être entrepreneur?
Pour plus de 50%, il s’agit en réalité « d’être son propre patron ». Et ils sont loin d’être à côté de la plaque, ces Z… Se projetant ainsi, ils s’inscrivent dans une tendance lourde observée ces dernières années. Avant, c’était l’entreprise qui faisait l’honneur à un collaborateur de lui donner un travail. Puis les Y sont arrivés sur leurs grands chevaux, avec une externalisation de leur cerveau dans leur poche de jean et cette quête de sens chevillée au corps. Le rapport de collaboration s’est substitué au sacro saint rapport de subordination, et le futur collaborateur s’inscrit désormais dans une relation donnant/donnant : « montre moi un peu ce que tu peux me donner, je te dirai si je veux m’engager ». Les Z transforment l’essai : ce seront eux qui, demain, feront l’honneur à une ou plusieurs entreprises de mettre à disposition leurs talents et leurs compétences. Changement de paradigme. Ils deviennent leurs propres centres d’emploi. Et sachez, chers lecteurs, que pour la 1ère fois, le nombre de freelance aux USA est supérieur au nombre de CDI…
Les Z s’inscrivent donc, en entreprise, dans la lignée de leurs grands frères et sœurs. Vous pouvez desserrer les dents, ce n’est pas un orage, c’est peut-être simplement le sens de l’histoire. Il va résolument falloir s’y faire. D’autant plus que l’invaZion ne se cantonnera pas aux portes de l’entreprise. Non non non, elle contaminera l’école également. Cette jeune génération est très consciente du fait qu’elle exercera, en moyenne, 13 métiers différents dans sa vie. D’ailleurs, à la question « tu feras combien de jobs ?», elle répond souvent « l’infini ». Elle sait également qu’une grande partie des métiers qui existeront dans 5 ans, n’existent pas encore. Alors, pragmatique, lucide, elle remet en cause l’école comme tampon indélébile qui marque à vie une expertise, dans un monde régi par l’obsolescence des compétences, où il faudra sans cesse se re-updater. De qui apprendras-tu demain ?’ De moi-même, en premier lieu. De l’entreprise, dans un second temps. Ou de l’école, à seulement 7%. Si la génération Y est entrepreneur de sa vie professionnelle, la génération Z sera entrepreneur de sa formation.
La mutatYon est en marche. L’invaZion est en cours. RespireZ !
Par Emmanuelle Duez, Fondatrice, The Boson Project – Women’Up
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